François et moi

Est-il le pasteur fiable de son troupeau ? 

Exercice difficile que d’avoir un avis mesuré sur le Pape François.  En effet, à l’échelle des Catholiques et même des non-Catholiques, il semble que ce Souverain Pontife déchaîne les passions. Exécré par la frange conservatrice de l’Eglise, vu positivement et mais puissamment filtré par les médias, accusé par les uns d’aller trop loin et par l’autre de ne pas aller assez loin, ni assez vite, il semble après 10 ans de pontificat avoir réussi l’exploit de froisser beaucoup de monde et d’en décevoir autant.

Est-ce à dire qu’avoir un propos mesuré est impossible ? Et qu’il suffirait « d’attendre » le prochain conclave ?

Ce serait à mon avis une erreur.

Dans un esprit d’humilité et d’obéissance raisonnée, essayons de dessiner quelques axes majeurs et mémorables de notre Pape actuel.

Commençons par les éléments qui fâchent. Comme St Thomas, fions-nous aux faits. Et il apparaît que depuis 2013, on a rarement vu des gestes à destination des « conservateurs » au sens très large du terme. L’acmé de cette attitude est bien sûr Traditionis Custodes qui vient saccager le travail de Benoît XVI sans aucune subtilité. A titre personnel, je n’ai pas de sympathie particulière pour les aficionados de la messe en latin mais je note que la gifle de l’été 2021 n’a pas d’équivalent côté progressiste. En effet, Jean-Paul II avait excommunié Monseigneur Lefebvre mais avait aussi mis au pas les théologiens de la libération en Amérique latine. C’était dur mais juste. C’est tout l’inverse avec François qui a longtemps laissé l’église allemande « en roue libre » et piétiner le dogme sur les sujets sociétaux dans une forme « d’apostasie silencieuse » comme le dit Monseigneur Sarah. Plus que d’avoir mis un coup d’arrêt aux traditionnalistes (qui s’en remettront), je lui reproche de ne pas avoir fait de même pour l’autre versant qui s’autorise bien pire. On a bien l’impression que Rome a pris parti…

De même, le Pape est plein de compassion pour les migrants qui arrivent en Europe mais très peu disert sur le sort des Européens de « souche » qui voient leur pays changer comme jamais depuis des siècles avec le cortège de remises en question que cela implique. Là encore, pas de compassion, pas de réconfort pour ces gens-là qui doivent dire amen et se taire. Evidemment les élections dans tous ces pays sont un cruel démenti pour cette approche inégale du problème migratoire. Comment espérer rapprocher les classes populaires de la foi quand ces pasteurs ne leur promettent que dissolution et culpabilisation ? Sur ce point, François est bien le premier Pape du tiers-monde, c’est-à-dire un Pape qui ne voit pas le monde selon le prisme de l’Occident et qui, donc, n’a pas le même ressenti sur ces choses. N’oublions pas qu’il vient d’un pays dont on émigre, pas où l’on immigre. Sa parole (largement simplifiée par les médias rappelons-le) s’en ressent forcément.

Mais alors, tout serait-il à jeter ? Absolument pas ! Son insistance sur le fait d’avoir une Eglise en sortie, en mission est une puissante intuition. En effet, s’adresser à nos contemporains déchristianisés ou même a-christianisés ne peut se faire qu’en allant vers eux. C’est en faisant ce premier pas que l’on peut espérer toucher l’Homme du XXIème siècle. Par ailleurs, cette posture morale absolue quant aux migrants du Pape tranche avec les circonvolutions et la médiocrité de nos hommes politiques. Je suis intimement persuadé qu’il constitue, en tant que personne médiatique, un excellent « produit d’appel » (la comparaison est osée) dans le grand supermarché spirituel qu’est notre société. L’affirmation forte d’une écologie chrétienne est aussi un excellent point car, qu’on le veuille ou non, cela préoccupe nos contemporains et nous permet d’affirmer une authentique parole chrétienne sur ce sujet. C’est à mettre à son crédit et je pense que ce sera son legs le plus durable.

Alors oui, au moment de conclure, je ne cache pas que la balance, pour ma part, est légèrement négative. Mais la réalité est complexe et l’homme François ne se laisse pas saisir en 280 caractères outranciers et simplificateurs, comme c’est trop souvent le cas… Nous pouvons être, certes, critiques mais il ne faut pas ramener le Pape à un statut qu’il n’a pas. L’Eglise n’est pas une démocratie, et le Pape n’est pas un politique comme les autres.  Nous n’allons pas sanctionner notre accord ou désaccord à de prochaines élections. 

Enfin, sur une note plus personnelle, François est quelque part la cause première de ce blog. En effet, sans le Synode ouvert par ses soins en 2022, je n’aurais jamais eu l’idée de « prendre la parole » sur les sujets de foi et d’Eglise et encore moins en public ! Pour cela, et pour le reste, oui, merci Pape François !