Malaise dans le catéchisme

Selon le nouveau sondage de l’INSEE appelé Trajectoires et Origines 2, les catholiques français seraient les moins “capables” de transmettre leur foi à leurs enfants (67%) parmi toutes les grandes religions qui animent notre pays – les musulmans et les juifs dépassent ainsi les 90%, les évangélistes étant comparables aux catholiques mais compensent par une croissance extrêmement forte. Ceci fait planer un doute persistant sur la capacité de l’Eglise à conserver ses fidèles d’une génération à une autre et à leur transmettre son enseignement à travers son catéchisme. 

Ce chiffre en soi n’a rien de surprenant et ne fait que confirmer une évidence qui saute aux yeux pour toute personne ayant un tant soi peu côtoyé une paroisse. Prenons un exemple personnel pour l’illustrer : à partir d’une classe de catéchisme de 20 enfants, dans un milieu rural des années 90, il n’y a plus que deux ou trois pratiquants aujourd’hui… Et encore, pour notre part, la pratique est revenue… en arrivant en ville ! Des exemples similaires pourraient être démultipliés indéfiniment et ne seraient pas très flatteurs pour l’image que l’on se fait du catéchisme dans les paroisses françaises. 

Loin de nous l’idée d’accabler les personnes en charge de cet enseignement, mais d’un point de vue objectif, le résultat est mauvais et les chiffres le prouvent. Ayant des enfants qui seront amenés à fréquenter ces classes prochainement, ces sujets nous préoccupent et j’aimerai pointer quelques éléments qui me semblent décisifs pour comprendre le phénomène. 

Le premier écueil – le plus évident – est de confondre catéchisme et centre aéré. En effet, trop souvent, on considère que les enfants doivent “aimer” le catéchisme et pour cela s’y amuser. Certes, c’est louable, mais y apprendre quelque chose serait encore mieux. Nous sommes ainsi, je le crains, passés d’un extrême à un autre : ne voulant plus être associé à la religion triste et rébarbative de nos grands parents, il y a dans le milieu ecclésial une obsession de la joie qui doit être partout et tout le temps présente. Mais si celle-ci ne vient pas exclusivement de la contemplation de Dieu et de son Incarnation en Jésus-Christ, elle devient hors-sujet. Les activités proposées ne peuvent donc pas se donner comme mission de donner “une bonne image de l’Eglise” aux enfants (argument maintes fois entendu) mais de leur montrer qu’elle est l’unique temple de Dieu. Qu’elles y arrivent est encore un autre sujet, mais si déjà l’objectif fixé est le bon alors tous les espoirs sont permis !

La Leçon de catéchisme par Jules-Alexis Muenier (1890)

Cela nous amène à notre deuxième point, le plus important, à savoir le contenu de ce qu’on y enseigne. Là encore, les exemples abondent. Un parmi tant d’autres : attendre le collège pour qu’on nous explique que Jésus a vraiment existé et n’est pas un mythe… L’enseignement proprement religieux y est trop souvent dissous dans un discours bienveillant qui, dans l’absolu, n’est pas mauvais, mais ne touche pas au cœur. En effet, on ne doit pas venir au catéchisme pour apprendre que la tolérance et protéger la Terre sont de bonnes choses ; en effet, ailleurs dans la société, les enfants pourront l’apprendre (école, média, etc…). A mon sens, et c’est un reste de mon passé dans le marketing, il faut savoir être différenciant. Le catéchisme ne peut pas être version vaguement religieuse de l’éducation civique ou d’une MJC, il doit en être radicalement différent. Les enfants doivent tout de suite sentir qu’on ne parle pas de la même chose ni de la même manière puisque Dieu est là. Je serai d’ailleurs curieux de savoir comment les musulmans ou les juifs enseignent leur religion, au sein des mosquées et des synagogues, à leurs enfants ; au vu de leurs bons résultats, il y aurait sûrement des choses à apprendre. Mon intuition est qu’il faut insister sur le caractère sacré de ce que l’on transmet aux enfants : s’ils sentent qu’ils ont affaire à quelque chose d’infiniment plus grand qu’eux, je suis convaincu qu’ils en garderont un souvenir plus fort. 

Cependant, il faut admettre qu’il est facile d’accabler le catéchisme actuel car, si les chiffres cités plus hauts sont aussi mauvais, ce n’est pas simplement la faute du catéchisme. En réalité, celui-ci ne peut combler ce que le foyer familial n’offre pas ou plus… Car évidemment le catéchisme ne trouve son efficacité maximale que lorsqu’il entre en synergie avec une vraie vie de foi au sein de la famille. Et c’est là que le bât blesse chez les catholiques : combien sont les familles qui inscrivent leurs enfants par “habitude”, pour leur “donner des bonnes valeurs” ou pire “parce que ça fait bien” ? Dans ces conditions-là, la rencontre entre un catéchisme anémié et une famille vaguement indifférente ne peut rien donner de bon. On en revient toujours à cette apostasie silencieuse dont parle souvent le cardinal Robert Sarah (c’est d’ailleurs pour ça que la transmission se fait nettement mieux chez les “tradis” car, eux, mettent beaucoup plus ces deux éléments au cœur de leur vie)… Ainsi le malaise dans le catéchisme n’est qu’une facette du malaise plus général de la foi en Occident. Pour y remédier ou l’expliquer, j’avoue que les forces me manquent… C’est peut-être d’ailleurs là que la clef se trouve car, oui, les forces humaines ne sont pas suffisantes pour contrecarrer ce reniement d’un peuple pour la foi de ses ancêtres. Reniement qui a commencé, au bas mot, au XVIIIe siècle et qui semble atteindre son stade terminal à notre époque.

Mais pour Lui rien n’est impossible, alors prions. Même dans la nuit.