Notes sur la Trinité

Il est un dogme aujourd’hui assez mal compris car complexe et qui- de ce fait- a tendance à être réservé aux « milieux autorisés », entendons par là le microcosme des théologiens. Je veux parler ici de la Trinité, dogme pourtant central de notre foi.

La Trinité a plusieurs défauts qu’on peut lister rapidement : paradoxale (1=3 ?), elle défit la compréhension immédiate, elle se rit aussi de la définition habituelle du monothéisme. Monothéisme dont les chrétiens s’enorgueillissent actuellement, car il leur permet de participer à la fable du Dieu d’Abraham partagé avec les Musulmans et les Juifs. Tout cela est très sympathique et politiquement correct mais n’a que peu avoir avec la richesse de notre foi.

En effet, notre Dieu est amour.

De cette affirmation cruciale, nous pouvons modestement ré-énoncer quelques conséquences que nos ancêtres dans la foi ont tiré. Si Dieu est amour – et il l’est, sinon pourquoi aurait-il créé le Monde ? – alors il ne peut s’auto-aimer, il doit être un « pour » comme dirait Benoit XVI. Il ne peut être simplement une sorte de Principe solitaire tel que se le représentaient les néo-platoniciens de la fin de l’Antiquité (et beaucoup de nos contemporains non fermés à l’idée de divinité), il s’éloigne aussi du Dieu immanent du monothéisme radical qu’est historiquement l’Islam. Si Dieu est donc celui qui « est » comme il est dit sur le Mont Sinaï, il « est pour » de surcroît. Ce principe de relation découle donc du principe d’amour. Avant le Monde, Dieu était, et il était tout entier amour, d’où la nécessité logique que plusieurs personnes composent son unique essence afin que son amour se donne de manière éternelle, totale et absolue à un objet, non pas extérieur mais intérieur, dans une réalisation parfaite et anticipée de ce que sera la consommation achevée du Monde (le Plérôme de Saint Paul) : « Totus tuus ego sum » (Saint Louis-Marie Grignon de Montfort).

Brosser le portrait des trois personnes de la Trinité dépasse largement le cadre de ce petit article de blog. Disons simplement que la nécessité logique d’avoir plusieurs personnes en Dieu vient se coaguler avec les récits de l’Incarnation qui donne non seulement une image ô combien vivante de notre Seigneur Jésus-Christ et nous donne les pistes pour appréhender le Saint-Esprit.

Nous voudrions plutôt revenir sur les conséquences du Dieu trinitaire. En effet, il est vain de penser épuiser la notion de Dieu car son infinité défit les catégories de l’esprit humain pour parler comme Kant. Et la Trinité est l’expression parfaite et rationnel de cet état de fait. Ainsi si Dieu est amour, il est relation, et s’il est relation, il est insondable. Derrière ce terme de Trinité se cache le Dieu invisible mais présent, infini mais né dans une mangeoire, désespérément silencieux mais inspirant les Saints…

On pourrait ajouter que c’est se faire finalement une idée assez limitée de Dieu que de le représenter comme un Principe unique et immanent. En effet, c’est le mettre au sommet de notre intelligence humaine car c’est la conclusion rationnelle de la recherche de « ce qui est le plus grand » dans le Monde. Or, la Trinité nous invite à voir encore plus haut, à littéralement nous briser le cou en essayant de concevoir l’inconcevable. Dieu un mais trois. Le saut de la foi n’en devient que plus vertigineux.

La Trinité d’Andreï Roublev